En 1293, le roi Trần Nhân Tôn (le vainqueur des Mongols) abdique en faveur de son fils ainé Trần Anh Tôn et se retire dans un monastère bouddhiste (c'était la coutume sous la dynastie des Trần).
En 1301, à l'occasion d'une ambassade chame venue présenter ses hommages à Anh Tôn, l'envie prend au roi-retraité de voyager pour visiter les lieux saints des contrées voisines.
Il raccompagne cette ambassade et séjourne 9 mois à la cour chame à Vijaya (Chà Bàn), près de l’actuelle Quy Nhơn. Devant l'accueil chaleureux du roi Chế Mẩn (Jaya Sinhavarman III), il lui promet la main d'une de ses filles.
Imprudente promesse !
Car Chế Mẩn n'aura alors de cesse de la réclamer avant qu'il n'ait obtenu la princesse annamite.
Cependant en Annam, la Cour est opposée à cette alliance qu'elle juge humiliante pour la famille impériale et pour le pays. Elle fait tout son possible pour l'empêcher.
Il y eut de longs pourparlers, des négociateurs furent envoyés de part et d'autre.
Et en 1305, on négociait toujours !
Chế Mẩn, s'impatientant, fait présenter les cadeaux nuptiaux et promet de céder les 2 provinces de Ô et de Lý (Ri), le jour de ses noces.
Le Conseil d'Empire, une dernière fois, essaya de démontrer l'impossibilité d'une telle alliance. Mais Trần Anh Tôn, plus pragmatique, sut sacrifier ses sentiments fraternels à l'intérêt du pays.
En 1306, des lettrés composèrent des vers en "langue vulgaire" (le nôm) que le peuple et les enfants chantèrent tout au long du chemin qu'emprunta la princesse sacrifiée vers son exil :
On y raillait l'Empereur des Hán qui avait donné sa fille au roi des Huns !
L'allusion était claire...
Mais Chế Mẩn ne jouit pas longtemps de la princesse annamite car il mourut la même année à la 5ème lune (juin 1307).
A la 9ème lune, son héritier présomptif Chế Ðà Da envoie une ambassade chargée de présents (éléphants blancs) annoncer son deuil.
Trần Anh-Tông chargea alors Trần Khắc Chung de récupérer la princesse et de la ramener à la Cour. Mission délicate, car la coutume chame voulait que la reine fût brûlée sur le bûcher et accompagnât son défunt mari dans l'au-delà.
Par ruse, Trần Khắc Chung réussit d'abord à faire reporter la date du "barbecue", ensuite à faire déplacer la princesse Huyền-Trân vers la côte et, enfin à la faire embarquer sur une jonque légère pour rejoindre le gros de la flotte qui attendait en mer.
Mais sur le chemin du retour, la belle princesse n'était pas inconsolable !!
Et Trần Khắc Chung, très enflammé, se montra pressant !
Il sut la convaincre et l'aida à oublier ses chagrins.
Ils trouvèrent en mer des vents providentiellement contraires, qui les retinrent en voyage plus longtemps que nécessaire.
Si bien que la princesse ne fut de retour à la Cour de son roi de frère qu'à l'automne 1308 !
Pour cet écart de conduite, Trần Khắc Chung fut pris en grippe par le Hưng-Nhượng Ðại Vương (?) qui, chaque fois qu'il le rencontrait, l'insultait et disait :
"Cet homme est un danger pour le royaume ; ses nom et prénoms indiquent qu'il causera la perte de la dynastie !".
Effectivement, Trần = nom de la dynastie régnante ; Khắc = vaincre ; Chung = causer la fin)
Trần Khắc Chung peut être interprété comme "celui qui vaincra et causera la fin des Trần"
Trần Khắc Chung craignant pour ses jours, alla se cacher dans une lointaine retraite et on n'entendit plus jamais parler du vaillant capitaine.
L’histoire ne dit pas combien de temps la pauvre princesse mit pour se remettre de ses émotions ... On sait qu'elle termina ses jours dans un monastère.
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